Généalogie anecdotique en Dauphiné

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Saint-Didier d'Aoste sur le Rhône, Saint-Genix-sur-Guiers dans l'avant-pays savoyard, ou encore le village des Champagnes rattaché à la paroisse d'Aoste sont préposés, par leurs positions riveraines, à inhumer les accidentés, imprudents ou suicidés, morts dans le Rhône ou le torrent du Guiers.

Généalogistes de ce coin du Dauphiné, vous êtes également conviés à la pesée des cloches de Chimilin, ou encore à l'expertise des calamités dues à la grêle aux Abrets. Enfin, une troisième page d'anecdotes dauphinoises en forme de brèves s'offrent à votre curiosité…


Grands pauvres et sans domicile fixe

Nos ancêtres voyaient souvent passer des mendiants itinérants. Fragiles, au dur mois de janvier ils mouraient plus que de raison. Maintes fois, on ne connaissait pas leurs noms. Aussi l'acte d'inhumation portait-il alors une sommaire description.

En 1750 nos aïeux cultivaient labouraient fauchaient tout ce terroir Le curé distinguait un pauvre d'un grand pauvre. “Un grand pauvre d'environ seize ans qui est tombé on ne sait comment du mur…” ou bien “Un pauvre d'environ quarante ans est mort chez François Nemoz…

Par pudeur et par honte d'être si pauvre, ils taisaient parfois leur nom, quand bien même on leur avait adressé la parole encore vivants. À Saint-Genix-sur-Guiers, “Louis un pauvre d'environ 40 ans qui ne sait pas son nom de famille et dit venir de Dijon… il dit avoir un frère à Voiron…

En juin 1694 à Saint-Jean d'Avelanne, “on l'a trouvé mort dans sa maison de faim, de maladie et de pauvreté”. Encore à Saint-Jean d'Avelanne, le 11 janvier 1694, “j'ai inhumé dans le cimetière Benoît Burlet, couvreur à paille, a été confessé et n'a pas reçu les sacrements, est mort de froid, de faim et de vieillesse”.


Vive les gros chez Joseph Trillat !

L'hôtel Monnet Trillat fut bien connu, place Grenette à Grenoble. Ennemond Trillat pris la suite de son beau-père Monnet. Puis Joseph Trillat, son fils, tiendra encore l'hôtel et le restaurant.

Cet homme bien portant pesait 110 kg. Chaque année, il organisait un repas exclusivement réservé aux personnes pesant plus de 100 kg. Un prix raisonnable était fixé pour les poids-plume qui atteignaient juste la limite fatidique des 100 kg.

Puis un tarif dégressif était appliqué en fonction de l'accroissement du chiffre lu sur la balance grenobloise de Monsieur Trillat. Ainsi, passé un certain cap, cette soirée-dîner était tout bonnement offerte à chaque heureux bien-portant, juste un peu enrobé, comme le dit souvent un certain Obélix !

Parmi les hôtes attestés, cet hôtel Monnet-Trillat de Grenoble a vu passer André Gide dans l'été 1890, ainsi que Auguste Rodin le sculpteur en 1894. Ce dernier a laissé des croquis, dessinés sur la carte à en-tête de l'hôtel. Sur ces croquis d'Auguste Rodin, on voit que cet hôtel reste toujours dénommé Hôtel Monnet, avec la précision Trillat.

Le notaire connaissait la constellation familiale et tous les secrets de famille Manifestement apprécié outre Manche, le Bradshaw's illustrated travelers' hand book nous dit que, “Hotel Monnet, Mr Trillat proprietor, son-in-law and successor to Mr Monnet, this hotel is situated in the place Grenette, 14; it offers excellent accomodation and will be found deserving the patronage of English families and single gentlmen. Post-horses and coaches for Aix-les-Bains, Allevard, La Salette… Omnibuses belonging to the Hotel at the Station.

Les propres omnibus de l'hôtel venaient donc vous chercher à la gare de Grenoble, comme les navettes aéroport des parcs hôteliers actuels. Messieurs Henri Monnet et Ennemond Trillat avaient clairement promu un service étendu, dans un standing hôtelier de bonne facture.


Justice pénale, condamnations, bagnards et peines

Le registre des bagnards de Toulon nous enseigne quelles étaient les durées des peines, la fréquence des grâces, et la typologie délictuelle. Faux saunage à cheval vaut une condamnation de trois ans de galère si c'est la première fois. La peine s'aggrave fortement si les officiers du grenier à sel reprennent le malheureux déjà condamné.

Noms et prénoms donnés aux enfants Comme les mules et leurs différents organes n'avaient pas de numéro de série, une fois évaporées dans la nature ces pauvres montures étaient difficiles à retrouver. Parcourir tout le Dauphiné pour une mule volée à Romagnieu, à Pressins, à Aoste ? Les tatouages valaient surtout près du lieu du larcin. Leur vol était donc puni d'une peine qui nous paraît énorme. C'est la difficulté à retrouver les coupables que sanctionne la peine, ainsi que le préjudice contre le gagne-pain du lésé. Dix ans de bagne pour avoir récidivé dans le vol de mule.

Dans nos pays du Guiers, le délit majoritaire s'impose sans surprise, car le torrent du Guiers sépare deux états. Et qui dit frontière dit droits et taxes en tout genre. La contrebande, notamment celle du tabac, sort donc championne du vice chez nos braves habitants de ces pays du Guiers. De Romagnieu à Tramonet, de Saint-Geoire à Belmont, les distances sont minimes depuis l'avant-pays savoyard vers notre berceau en Dauphiné. Pour contrebande, la peine est de cinq ans de bagne, si c'est une première condamnation.

On pouvait être gracié assez fréquemment, on pouvait s'évader, mais certaines évasions tournaient mal. En 1756, le pauvre Claude Girerd du côté des Avenières, condamné à cinq ans pour contrebande de tabac, est mort noyé dans le port d'Antibes en tentant de s'évader.

Sont passés par là pour aller aux champs, à l'église ou au cabaret De l'autre côté de la frontière du Guiers, tout est similaire. En 1774 à Saint-Genix-sur-Guiers, la mère Benoîte Maréchal crie à tue-tête, Au Voleur, Au Voleur ! Elle n'en croît pas ses yeux, pas moins de seize poules manquent à l'appel dans son poulailler. Le renard de Truison se muerait-il en glouton ? Et tous ces bons œufs à venir qui échappent à ses pauvres enfants ! Mais la maréchaussée du Duc de Savoie a du flair et du souffle dès qu'il s'agit de courir après de belles poulettes ou de mettre la main sur leurs beaux œufs tout doux.

Le pendard a pris la précaution de venir par Bachelin et par Champ-Long. Il ne voulait pas commettre son méfait trop près d'Avressieux, son domicile et sa paroisse de baptême. Mais nos pandores sauront bien l'y dénicher avec ses poules de Saint-Genix-sur-Guiers.

Malheureusement pour Claude Saint-Bonnet Lacombaz, 44 ans, il a déjà été condamné pour des faits similaires. Circonstance agravante, il a un métier fixe, laboureur à Avressieux. La récidive va lui coûter cher, cinq années de galères, soit un an de galère pour trois poules volées. Il a plusieurs enfants. Son épouse, notre collatérale Jacqueline Sevoz-Goyat, finira seule d'élever les gamins. Elle est petite-fille de Louis Sevoz-Goyat, notre ancêtre direct de Belmont (aujourd'hui Belmont-Tramonet).


À la Révocation ils s'en sont allés

Aucune famille n'a fondé autant de chapelles, prodigué au curé des legs de bonne manière, ou engendré des prêtres, que nos ancêtres directs les Regis de Châtonnay, plus anciennement Roy dit Regis, de Châtonnay…

Noms et prénoms donnés aux enfants Pourtant quand sonna l'heure du grand schisme, certains de ces Regis de Châtonnais devinrent religionnaires de la Religion Réformée. Nos ascendants semblent être restés catholiques. Châtonnay était aisé, donc Châtonnay était plus protestant que la moyenne. François premier avait invité les verriers italiens à s'installer au royaume de France contre ennoblissement. Les verreries de Châtonnay enrichirent la paroisse.

Parmi nos collatéraux Regis, un certain Gaspard Regis (chez les Roy dit Regis les Gaspard pullulent) épousa une fanatique huguenote, Jeanne Nivard. Ce fut le début d'une longue déchirure inter-familiale. Mais, aux sombres jours du mois d'octobre 1685, quand Louis révoqua l'Édit de Nantes, une tragédie se joua sur la paroisse de Châtonnay pour ces Regis et Nivard.

Cachés dans les bois, ils seront bientôt découverts par les dragons du roi. De force on les mène à l'église pour abjurer. Avant qu'ils ne soient découverts, les biens de ces riches cousins sont vendus aux enchères publiques. Ils restent quelques temps à Châtonnay. Ils y voient mourir de désespoir Gaspard Regis, homonyme de notre ancêtre direct dans l'arbre généalogique. Puis, par petits groupes, ils quittent le royaume pour la Suisse dans l'angoisse terrible d'être découvert en voyage (partant après abjuration, ils étaient relaps, donc exécutables immédiatement s'ils étaient pris).

Comment savons-nous tout cela ? En 1716, Jeanne et Louise Regis, deux des filles du couple Regis-Nivard, écrivent un long mémoire depuis Moudon en Suisse. Elles le destinent à leur neveu Balthazar Regis, rector of Adisham, qui a gagné définitivement la Grande-Bretagne et s'y est établi. Elles veulent que la mémoire s'en conserve, et considèrent Balthazar Regis comme le plus digne dépositaire de leur récit.

L'âme sociale du village l'église de nos pères de nos anciens, des aïeux de notre famille Notons que ce Balthazar sera marié trois fois. Entre autres à Jeanne Aufrère, la fille d'un très médiatique et très smart prédicateur protestant pour la communauté huguenote en exil à Londres, Israël Antoine Aufrère. Celui-ci est le descendant direct de Étienne Aufrère de Poitiers (1455 - 12 sept 1511), célébrissime compilateur de jurisprudence. Ce docteur es droit et docteur es droit canon fit carrière à Toulouse, mettant en forme toute la jurisprudence du Parlement de Toulouse (avec des rééditions à la pelle, bien après sa terrestre extinction).

Ce couple de nos cousins Regis de Châtonnay eut comme fille Sarah, au sacré tempérament de son arrière-grand-mère. Comment le savons-nous ? Elle est la grand-mère de Reverend Henry Dawson, rector of Bunwell (1791-1889). Or son arrière-petite-fille a écrit une biographie de son père — Christina Scott “An historian and his world : a life of Christopher Dawson”.

Et, ô surprise, en plein 20ème siècle, on dit encore : “In 1896 my father left the army and we went to live in Yorkshire where he has built a house on a hill above the river Wharfe at Hartlington witch he has inherited only few years before from his grandfather who had lived to be nearly 99…” puis plus loin : “…they had inter-married for two successive generations with wives of French huguenot families (Regis and Aufrere) both of them women of strong personality who left their mark, both physically and spiritualy, on the family.” — Christina Scott, Op. cit.

La seconde évoquée est Sophia Aufrère. Dans les années 1900 on se souvient encore de l'empreinte de cette Régis de Châtonnay notre lointaine cousine !

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