Louis Mandrin et la Ferme Générale

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Louis Mandrin et sa curieuse épopée

Louis Mandrin a suscité bien des fantasmagories et bien des légendes. Son parcours vient sur le devant de l'actualité durant deux courtes années, 1754 et 1755. Ces deux années sont celles des coups de main les plus marquants que mène sa troupe de contrebandiers contre la puissante organisation mafieuse de la Ferme Générale. Ces deux années se terminent par une action commando de soldats français, en violation de frontière, qui conduit à la capture de Louis Mandrin et à sa prompte exécution à Valence, une fois ramené en France.


Famille Mandrin installée près de Grenoble

Acte de baptême de Louis Mandrin Au 17ème siècle, la branche paternelle Mandrin s'installe à Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs, bailliage de Saint-Marcellin, élection de Romans, généralité de Grenoble.

Ils sont originaires de Mours. Ils passeront un temps à Bressieux. Ces Mandrin ont fait parti de la bourgeoisie dans chacun de ces lieux successifs. Ce sont des marchands aisés. Ils sont consuls des villages où ils vivents. Le déclin de fortune de cette branche de l'arbre généalogique des Mandrin débute avec le père de Louis Mandrin le contrebandier.

Sieur François Antoine Mandrin marchand de Saint-Étienne-de-Saint-Geoirs et demoiselle Marguerite Veyron donnent naissance à Louis le 11 février 1725. Il a pour parrain Louis Veyron, oncle maternel qui signe l'acte de baptême, et pour marraine demoiselle Anne Mandrin, tante paternelle qui signe également l'acte de baptême. Oncle et tante, un grand classique de nos généalogies dauphinoises.


Louis Mandrin

Aîné, devenu chef de famille à 17 ans, Louis Mandrin va connaître des déboires dans ses affaires. Il perdra notamment une cargaison confiée par la Ferme Générale (signe du destin). Ses déboires l'entraîneront manisfestement vers la contrebande et le trafic illégal de marchandises.

On considère généralement que la mort de son frère par pendaison est l'origine de sa déclaration de guerre à la Ferme Générale, la plus impopulaire organisation de tout l'ancien régime.

Maison natale de Louis Mandrin En fait, tout va déjà de mal en pis. Au début de l'aventure retentissante, Mandrin est déjà un condamné à mort dans une autre affaire. Avec Benoît Brissaud, un ami, ils ont été condamnés à mort pour meurtre. Lui a pu se soustraire. Brissaud est pendu à Grenoble, en juillet 1753. Le même jour, le frère de Louis, Pierre Mandrin, est pendu pour faux-monnayage.

Donc, sa déclaration de guerre à la Ferme Générale n'est pas le fait d'un idéologue ni d'un homme de doctrine, mais bien plutôt le fait d'un homme déjà dans la voie de l'illégalité, essentiellement trafics, contrebande et faux-monnayage. La tradition savoyarde lui offre le terroir propice, entre Genève et les pays du Guiers, pour opérer en Dauphiné. Au Pont-de-Beauvoison, Mandrin a pignon sur rue, comme ses acolytes contrebandiers dauphinois.


Contrebandiers savoyards et actions en Dauphiné

Le duché de Savoie, un état du royaume de Piémont-Sardaigne, est depuis longtemps une plaque tournante de la contrebande, à l’abri des gabelous français. Les Savoyards ont toujours été des spécialistes de la contrebande de sel et du tabac.

Cependant, du temps de Mandrin, de véritables gangs organisés s'y sont spécialisés. Contrebandiers à cheval, les contrebandiers de profession, toujours bien armés, investissent dans le trafic des tissus précieux et du tabac. Mandrin est une émanation de ce changement d'échelle.


Attaques à main armée des contrebandiers de Mandrin

Néanmoins, les faits établis en font un personnage très particulier. Il avait peut-être le génie de la communication. Entré en 1753 dans une bande de contrebandiers, Mandrin en devient rapidement le chef. En outre, il accroît le nombre de ses hommes de façon considérable. Commandant à plusieurs centaines, majoritairement des savoyards, il prétend qu'il enrôle uniquement des hommes qui ne sont ni des voleurs ni des assassins. Et, sous ces conditions restrictives, il n'hésite pas à aller les chercher dans les prisons de France, dont il les libère par des coups de force mémorables.

Louis Mandrin portrait En achetant en Savoie, hors taxes, il investit manu militari les marchés en France, sans passer par la taxation de la Ferme Générale. Il attaque aussi les greniers et dépôts d'espèces de cette dernière, obligeant même les employés de la Ferme Générale à lui acheter de telles marchandises, sous la menace des armes.

Tout cela lui apporte une popularité extraordinaire en un temps record, auprès de la population française. Louis Mandrin, chef des contrebandiers de France, titre qu'il se donnait, possède le sens de la communication opérationnelle. Ci-contre, une des nombreuses images d'Épinal du margalier, coiffé du chapeau de brigadier, trophée de sa toute première campagne de 1754.


Le positionnement réel de la bande à Louis Mandrin

Mandrin a connu le processus classique, et déformant, de l’héroïsation du bandit. D'un autre côté, il fut un chef à l'ascension foudroyante. Quel fut le positionnement réel de la bande à Louis Mandrin ?

Pas de rétrocession aux pauvres, contrairement au mythe, ce sont des ventes à prix réduit. Mandrin n'est pas un Robin des bois. Pas de vision politique clairvoyante, ni d'action exemplative, pédagogique ou doctrinale contre la Ferme Générale. La troupe à Mandrin n'est pas les Brigades Rouges ni Action Directe. Beaucoup de soutien en Savoie qui dépasse la simple dimension de la complicité. Mandrin n'est pas un simple délinquant, Mandrin est une organisation. Forte publicité des personnes et des actions en Dauphiné, Lyonnais et Forez. Les “Mandrins” ne sont pas les mafias — sicilienne, corse ou calabraise — si taiseuses.

Quittons cette énumération pêle-mêle, revenons aux faits, et aux métiers commerçants de nombreux des “Mandrins”. Les différentes entités occupées à dépecer le peuple et le monde du travail se sont, de tout temps, organisés en groupes, car, rapaces entre eux, un individu n'est pas de taille à se maintenir.

Bande à Mandrin Songeons aux FARC. Si un groupe concurrent des mafieux au pouvoir parvient à atteindre une taille critique, il devient alors un contre-pouvoir stable. Plusieurs groupes mafieux coexistent alors sur la même aire de charognage. Parmi ceux-ci, les gens au pouvoir officiel sont toujours le groupe mafieux principal. Il suffit de voir les sociales-démocraties modernes en occident et en Europe, la racaille des sarcailles, bol doré et poutailles, et toutes chiennailles affairées à dépecer l'Europe, méthodiquement, en seconde partie 20ème et au 21ème siècle.

Nous pensons que la bande à Mandrin a un positionnement analogue aux modernes FARC (ou autre groupe similaire). Dans la durée, les contrebandiers savoyards auront toujours une solide organisation. Mais, aucune bande n'atteindra jamais la taille et l'entregent critiques, nécessaires à perdurer ou à fédérer.


Mandrin corsaire de terre sans lettres de course

La violation de frontière commise par la France va entraîner la vive réaction de la Savoie. Pour donner le change et apaiser le Roi de Sardaigne, le capitaine Alexis Magallon de la Morlière sera mis aux arrêts.

Louis Mandrin fantaisie On se souvient que le mémoire en extradition émis par la France en 1754 était resté lettres mortes, évidemment ! Donc l'épilogue à moyen terme de l'affaire aura un petit côté inattendu. Avec cette affaire Mandrin, la diplomatie de la France fera valoir qu'une protection aussi outrancière de ce type de délinquant revient à leur donner le statut de “corsaire de terre”, corsaire dépourvu de lettre de course formelle, mais corsaire quand même.

À ce compte-là, la France pourrait en faire autant et susciter des vocations. Il faut croire que ces raisons feront leur chemin. Car, à moyen terme, des conventions d'extradition réciproques seront finalement adoptées envers ce type de délinquance.

Fin des Mandrins. Pas plus tard que mars 1757, le roi de Piémont-Sardaigne, Charles-Emmanuel III, en finira avec les “Mandrins”, le gros de la bande à Mandrin qui avait poursuivi l'activité.


Alexis Magallon de la Morlière

Qui était l'homme du coup de main, le chef de l'action commando ? Alexis Magallon de la Morlière était né le 3 janvier 1707 à Grenoble. Il était le fils d'un Magallon, trésorier des Ponts et Chaussées de Grenoble, et d'une de la Morlière. Sa filiation paternelle, outre son signe solaire capricornien, préfigurent une vie de devoir au service de l'état. Toute sa carrière sera militaire. Il s'y illustrera par l'audace de ses actions durant les nombreuses campagnes militaires de cette époque, sur les champs de batailles européens.

L'organisation des contrebandiers de la bande à Mandrin est si performante, ses percées si profondes en France (exemple l'Auvergne et la Bourgogne), et la complicité de la population si nette, que deux corps d'armée sont affectés à soutenir la Ferme Générale dans sa traque de leur chef, Mandrin. L'un d'eux est commandé par cet homme déjà très aguerri.

Malgré ce, durant six campagnes d'envergure, en 1754 et 1755, Mandrin parvient chaque fois à sortir de France avec ses contrebandiers. Ses bases se trouvent en Savoie, notamment à Rochefort-en-Novalaise En Savoie, il a le soutien de personnes influentes, y compris des magistrats !

D'où le fameux coup de main de Magallon de la Morlière, avec des soldats sans uniformes. En venant de Romagnieu, et traversant d'autres terroirs de nos ancêtres, Saint-Genix-sur-Guiers ou Pont-de-Beauvoisin “partie de Savoye”, le commando n'hésitera pas à tuer des citoyens savoyards pour parvenir au château de Rochefort-en-Novalaise, où Mandrin s'est retiré une nouvelle fois.

Aucun document ne démontre que la Ferme Générale ait conclu un accord secret avec Magallon de la Morlière, appuyé par un dédommagement considérable. Mais cela est quasi-certain. Il était impossible à cet homme de guerre confirmé d'ignorer que le Roi de France allait devoir le désavouer au grand jour. Dont dédommagement conséquent oblige.

Imperium in imperio, la Ferme Générale le démontre clairement dans la conduite du jugement et de l'exécution de Louis Mandrin. Afin de prendre de vitesse la diplomatie de France et de Savoie Piémont-Sardaigne, kidnappé le 12 mai 1755 à Rochefort en Savoie, Louis Mandrin est jugé à Valence le 24 mai, roué vif le 26. Dans le jugement, le terme le plus employé est “en dernier ressort”. Tout appel est exclu !

En effet, le Roi de France, outre les arrêts de rigueur rendus contre Magallon de la Morlière, ordonne la restitution de Mandrin au royaume de Piémont-Sardaigne. Trop tard, la Ferme Générale, qui avait prévu ce coup, a doublé le Roi de France, à marches forcées. La Ferme Générale ne craignait donc homme, ni Dieu, ni diable. C'est pourquoi, le 19 floréal an deux (8 mai 1794), conscients que, sinon, nul Iolaos n'y prodiguerait assistance, les patriotes se hâteront de trancher d'un coup, d'un seul élan enthousiaste et vigoureux, les vingt-huit têtes de l'hydre abhorrée ; leur sang abject s'en ira souiller l'immondice du caniveau.

Magallon ennemi de Mandrin Détail amusant, Alexis Magallon fut le plus âgé des généraux de la République Française, à plus de 85 ans. Grand-Croix de l'Ordre de Saint-Louis, il avait acheté une propriété à Louveciennes en 1765 en vue de sa retraite future, quittant l'Isle-Adam et Versailles. Il ne s'attendait sans doute pas à reprendre un jour du service lors d'une guerre. La monarchie constitutionnelle, puis le gouvernement de la République, lui avaient confirmé sa pension de chef militaire à la retraite. Pourtant, il accepta le commandement en chef de l'armée du Rhin. Il s'en est fallu de peu qu'il connaisse le nouveau siècle et le coup d'état du 18 brumaire, puisque décédé le 30 janvier 1799 à l'âge de 92 ans.

Notons encore, en 1754, au plus fort des actions téméraires de Mandrin, l'épouse d'Alexis Magallon lui donnera un troisième enfant que le destin portera plus tard vers le gouvernorat dans les territoires d'outremer. En effet, François Louis Magallon de la Morlière verra le jour le 26 octobre 1754 à l'Isle-Adam, dans la maison que le “Maréchal des camps et armées du Roi” y avait acheté (il vivra ses quatorze premières années à l'Isle-Adam).

Cinq ans plus tard baptisé, il est tenu sur les fonds par Louis François de Bourbon-Conti et Élisabeth de Bourbon-Condé. Ce détail n'est pas une vaine anecdote. Il démontre que son père n'avait, pas le moins du monde, perdu de crédit. C'est l'aveu d'un accord juteux entre la Ferme Générale et son père, avec la bénédiction tacite du Roi de France, pour capturer, coûte que coûte, Louis Madrin chef des contrebandiers dauphinois et savoyards.


La Morlière et Mandrin recrutent en prison

Quel trait inattendu ! Le recrutement en prison rapproche les deux hommes, le contrebandier et son poursuivant. Nous savons par plusieurs procès verbaux que Louis Mandrin et Saint-Pierre investissent volontiers les prisons des lieux où ils font un coup de main. Souvent c'est le geôlier qui tient lieu de secrétaire, écrivant la décharge qu'en donne Mandrin, “chef des contrebandiers de France”. Ces procès verbaux montrent qu'il choisit surtout les déserteurs et les prisonniers de la Ferme Générale. Il leur demande courage et dévouement, il les arme fortement.

Par les lettres d'Étienne Bruquet, aide-major de La Morlière, et chargé du recrutement, nous savons que les gens destinés aux premières lignes et aux actions commando, les gens de sac et de corde, sont très volontiers recrutés en prison. C'est explicite.

Et pour le coup de main en Savoie, c'est encore plus explicite. La Morlière passe commande de gens qui n'ont rien à refuser, parce que purgeant des peines de prison de plus longue durée. Au passage, on note incidemment, qu'au 18ème siècle, il existait dans les armées, notamment les régiments de Maurice de Saxe, un certain nombre de soldats noirs, d'Afrique ou des Antilles. On le savait notamment par les 7YC40 et 3YC278 des archives des armées. Et, dans une lettre en réponse à son recruteur Bruquet, La Morlière lui confirme que pour l'action qu'il prépare, “ça lui va très bien, d'enrôler ce noir qui se trouve en telle et telle prison”.


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